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  • Photo du rédacteurSauvane Delanoë

Quand je pense que déteste la Bretagne…

Normalement, si je fais bien mon travail, ce titre vous interpelle. Soit parce que vous non plus vous n’aimez pas la Bretagne et que vous ne savez pas trop comment le dire sans passer pour un con (parce qu’au fond, c’est beau la Bretagne, et qu’il y fait pas si mauvais que ça…) soit parce que vous adorez la Bretagne et que vous cherchez déjà comment vous allez descendre tous mes arguments pour me prouver que vous avez raison (parce qu’au fond, c’est beau la Bretagne et qu’il y fait pas si mauvais que ça….)

Alors avant que les Celtes qui me lisent ne poussent des hauts cris, je tiens à affirmer ma légitimité à faire ce genre de remarque. Bien que je sois Corse par mon père et Avignonnaise par ma mère, un quart de mes gènes me vient de ce Nord Ouest météorologiquement hostile… j’en garde une blondeur (presque) naturelle, et des yeux dont la couleur approche celle des flots de Saint Malo, gris les jours de tempête, et verts sous le soleil…

Mais au fond je suis bien obligée de reconnaître que mon aversion atlantique est purement réthorique, car la première chanson que j’ai écrite, à 22 ans, était une sorte d’hommage à ma désaffection pour l’atlantique… paradoxal d’en faire un texte, non?

Mais je vous le reproduis partiellement ici pour que vous compreniez à quel point mes idées sur ce point sont péremptoires. (Et pas perpendiculaires pour autant).

« Couchée, comme un bateau de l’Atlantique

Quand la marée s’est retirée

Seule sur le sable de la crique

Incapable de naviguer

Sans ton étreinte

Alors, comme un bateau de l’Atlantique

Posé sur le rivage blanc

Comme une phrase en italique

Je reste allongée sur le flanc,

Éteinte »

Vous voyez, globalement, ma vision des plages bretonnes, c’est pas gai…

Ironie du sort, c’est cet océan, et ce bateau couché qui m’ont emmenée le plus loin…

Il m’ont conduite jusqu’à une île étrange et accueillante où j’ai frayé quelques jours et quelques nuits avec des fous qui vivaient la guitare à la main du soir au matin (oui je sais, ça, c’est pas de moi…)

Cette croisière insensée s’est poursuivie quelques années dans les rêves, la musique, et les ambitions folles…

Dieu que j’ai aimé écrire des chansons…et y croire…

Mais il y a sur les plus beaux navires des mutineries insoupçonnables, des trahisons impardonnables… la pire de toutes étant sans doute celle qu’on s’inflige à soi même en renonçant à une part de ses rêves. Alors la vie nous fait poser pied à terre pour une longue escale… on croit aspirer au repos, mais ce n’est au fond qu’une fuite immobile…. je ne vais pas mentir, certains moments de cette escale furent agréables, d’autres passionnants, quelques uns franchement chiants…. mais aucun, sur ce quai de quotidien n’a jamais porté l’ivresse du voyage que j’avais connu, mon dictionnaire de rimes sur le coeur et des idées plein la tête….

Et puis un voyage s’est invité dans mon escale et j’ai donné la vie… mais plus encore, je m’en rends compte chaque jour un peu plus, il m’a rendu la mienne en y insufflant sa lumière, sa folie, son impatience, sa témérité, son insolence et surtout, surtout… sa musique….

D’une certaine façon, faire un enfant c’est renaître à soi-même…. c’est se demander vraiment qui l’on est et d’où l’on vient pour pouvoir le transmettre. D’où l’on vient génétiquement, ça peut être facile à dire. Qui l’on est c’est une autre histoire. Il y a le sang, certes, mais il y a le sens… notre vérité…

Je crois que j’avais trouvé une partie de ma vérité et de celle que je suis sous le platane d’une cour d’école, il y a 18 ans cette année (faites pas le calcul, je n’étais plus écolière depuis longtemps!)… un questionnement devenu « majeur » donc et sur lequel je suis aujourd’hui appelée à me pencher, nécessairement, viscéralement, impérativement….

Comment transmettre ce que l’on est si l’on se refuse à l’être pleinement?

La nécessité de reprendre possession de mon destin ne peut plus et ne doit plus être muselée…

Alors au cœur de cette escale qui dure depuis top longtemps, j’ai commencé à me demander si je restais à quai à regarder les bateaux des autres prendre le large, ou si je reprenais le voyage, plein d’idées, d’histoires, de rimes, de musique, de doutes et de miracles…

Évidemment puisque j’en parle, vous vous doutez que j’avais presque en mon for intérieur décidé d’une direction à prendre… mais le simple désir de voyage n’appelle pas seul le vent qui poussera notre bateau….

Un poète bien plus inspiré que moi a dit un jour qu’il n’y avait pas de hasard, seulement des rendez-vous…. alors un jour par hasard, ou par rendez-vous, sur le port où on a fait escale malgré soi, on croise le regard d’un autre marin, qu’on imagine naufragé d’un voyage voisin du nôtre, avec qui l’on partage sans même avoir besoin de se le dire la même soif d’aventure, et sans doute un peu le même regret d’avoir mis pied à terre un jour. Le même besoin de vent….

Et ce regard que l’on ne cherchait pas, fait naître une tempête.

Un nouveau souffle qui gonfle mes voiles, me fait retrouver l’appétit de conquête propre aux grands flibustiers et reprendre la plume comme on reprend la barre…

J’ai quarante ans maintenant, je sais que le voyage ne sera pas celui que j’imaginais à 20 ans. Je n’ai plus les mêmes illusions, ni les mêmes désirs. Tant mieux.

Je sais les avaries,

Je sais la houle,

Je sais l’orage.

Mais je sais aussi les nuits où les étoiles font plus de lumière que tous les soleils d’été.

Et je sais les journées où la mer brille plus qu’un tapis de diamants.

J’ai ressorti mes cahiers… j’espère une guitare.

Je ne promets pas une croisière sage et tranquille. Je ne promets pas que nous remplirons nos cales d’or et d’argent (mais je suis plutôt pour a priori). Je promets en revanche que je ferai de mon mieux pour faire de ce voyage une belle aventure, et je promets qu’on y fera de bonnes chansons….

Mais quand je pense que je déteste la Bretagne et que des années après avoir embarqué pour la première fois, c’est ce bateau couché qui me fait faire, encore un voyage inattendu…

Je suis bien embêtée maintenant….

Mais je suis bien, embêtée…

Je suis.

Bien.

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