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  • Photo du rédacteurSauvane Delanoë

Le sillage Fondamental

L’histoire d’amour entre les femmes et les parfums est plus complexe que la plus complexe des fragrances.

Enfant, on pique celui de notre mère, comme on essaie ses talons aiguilles. Puis on grandit et on cherche maladroitement notre identité olfactive…On amasse les échantillons, on essaie le parfum des copines, on porte celui que nous offre notre mec (même si on ne l’aime pas – le parfum, hein, pas le mec)…. souvent vers 25-30 ans on est prises d’une bouffée de conscience bobo-écolo-olfactivo-cérébrale, et on se dit qu’on pourrait créer sa fragrance avec des huiles essentielles, ou aller chez un parfumeur bio, ou même zapper le parfum au profit d’onguents, d’huiles corporelles ou de crèmes bienfaisantes, naturelles et forcément équitables qui laissent percevoir notre véritable “moi”…

Et un jour la quarantaine arrive. Qu’on le veuille ou non, on est une femme. On s’assume (plus ou moins), on a un chez soi (ou un chez nous), on est en couple (ou pas), on a fait un enfant (ou deux, ou trois, ou pas), on a un boulot (ou pas). Enfin bref, qu’importe l’inventaire, on n’est tout de même plus une jeune fille, et il nous faut nous approprier les accessoires de cette féminité… le parfum étant certainement le plus subtil d’entre eux…

Chaque femme peut vous raconter ses histoires d’amour avec ses parfums… certaines sont attachées à une marque spécifique, d’autres à une note de tête ou de cœur particulière. Boisée, fruitée, musquée, fleurie…

Dans mon cas, c’est plutôt une marque…. j’avoue, c’est chic, Guerlain. Petite, ma maman m’avait acheté un beau flacon abeilles de l’Eau de toilette du Coq… elle portait Jicky. L’homme merveilleux qui habitait son cœur portait le sublime Habit Rouge, et elle s’est mise à porter Vol de Nuit. Quand l’adolescence est arrivée, je lui ai piqué son Jicky…. elle rêvait de porter l’Heure Bleue, mais le trouvait trop “femme”…. mais un jour tout de même, au hasard d’une rupture ou d’une réinvention, elle l’a porté, et pour moi, ce jour là, elle a trouvé “son” parfum!!! Je pensais donc naïvement avoir assez grandi pour lui chaparder Vol de Nuit… mais je dus bien constater que j’étais encore trop “petite” pour l’assumer…

Pendant des années j’ai donc tâtonné, passant infidèlement d’un flacon à l’autre, trahissant Guerlain, d’une note à l’autre… mais rien ne me satisfaisait réellement…

L’homme à l’Habit Rouge nous a quitté il y a plusieurs mois… en écrivant quelques mots pour lui, je me suis aperçue de l’importance que son parfum avait revêtue dans ma vie. Tristement, j’ai réalisé que, maman depuis 8 ans, j’avais failli à imprimer dans l’inconscient de mon fils cette trace olfactive indélébile qui aurait toujours le pouvoir de le ramener vers l’enfance et vers mes bras en une inspiration…

Je devais donc instiller dans notre quotidien ce sillage essentiel… cet élément Fondamental…

Tiens c’est drôle… Fondamental? Comme cette “chanson d’Souchon qui nous traîne”, ce “vieux col roulé qui nous gêne”, cette “odeur de trousse” ou de “tarte aux pommes”… si on le chante, c’est bien que ce doit être profondément important…

Ce n’est sans doute pas anodin si mon fils est fan de cet album de Calogero. Alors je m’attache à chercher toutes les choses fondamentale qui le construiront… les sons, les couleurs, les parfums, les sensations… je m’applique à peindre ce tableau de sa vie avant qu’il soit assez grand pour prendre les pinceaux et poursuivre cette œuvre tout seul…

Pendant que je fais la liste de ces choses insignifiantes et essentielles je l’écoute chanter “Voler de nuit” dans la pièce à côté…

Instinctivement je vais fouiller dans le placard de ma salle de bains, et derrière les bouteilles dépareillées et colorées, machinalement j’attrape un vaporisateur doré qui attendait son heure… Je l’ouvre. Je le hume. Rien n’a changé. Moi aussi je retombe en enfance… ça sent la maman… Je vaporise. La fragrance se mélange magiquement à la chaleur de ma peau. Je me l’approprie, ou plutôt, c’est lui qui me découvre, en m’habillant de lui.

Je le sens, maintenant je suis assez grande… je suis une femme. Je suis une maman. J’ai le droit de porter ce parfum.

MON parfum.

Vol de Nuit.

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